Une appli de yoga pour smartphone en test
L’appli smartphone est au yoga ce que la purée déshydratée en flocons est à la purée de pommes de terre maison.
Dimanche 5 février 2023. La terrible tempête de neige annoncée sur Athènes à grands hurlements de sms gouvernementaux, s’est malicieusement transformée en une chute de blancs et doux flocons. Enrobant délicatement les bouquets d’oranges amères dont les arbres regorgent à Athènes en cette saison. Néanmoins les conseils, vaguement teintés d’autorité nous enjoignent à demeurer dans la chaleur de nos domiciles, et de calfeutrer portes et fenêtres. Je me conforme volontiers aux instructions car les chutes d’objets, de morceaux de balcons ou de toitures ne sont pas rares les jours de grand vent. Et pas seulement à Athènes.
Je reprends mes activités favorites qui, dans ces situations, se résument à mes cours de grec et mes études sur le yoga. Ainsi que ma pratique.
A vrai dire, je cherche depuis longtemps la parfaite tenue vestimentaire de yoga. En particulier l’hiver.
La quête est difficile sinon impossible.
Par exemple, si je décide de porter un douillet sweat shirt à capuche, lorsque je suis allongée en shavasana, sur le dos, la capuche va me gêner.
Par ailleurs un pull trop moulant ou trop serré s’avère disgracieux. Un pull trop large en revanche va soit bailler devant ,soit venir me boucher le nez dans la posture du Chien tête en bas(Adho Mukha Svanasana. ).En posture sur la tête (Shirshasana ), l’ensemble capuche, pull trop grand et pantalon qui retombe sur les genoux, va garantir une posture gâchée ,aussi délicieuse soit-elle en théorie.
Enfin la brassière ne s’adapte ni à ma catégorie d’âge ni à la saison hivernale.
Le comble du désagrément reste le tee-shirt trop court qui dévoile le bas du dos et éventuellement un peu plus…
Ne trouvant aucune tenue qui me satisfasse sur les sites dédiés au yoga, j’envisage de dessiner une collection de quelques pièces. Aussi je commence à surfer sur le net vers les marques de sportwear les plus connues pour trouver des idées de modèles, les ajuster, les redessiner. Afin de créer ce que je recherche exactement: une tenue qui ne me découvre ni le ventre ni le dos, qui ne m’étouffe pas durant les postures vers le bas et qui ne s’affaisse pas lamentablement sur mes genoux en postures inversées.
Avec en plus, une certaine recherche esthétique pour mes vidéos et mes cours en Zoom.
Il y a quelques années j’avais trouvé un pantalon parfait chez OYSHO. Je suis donc aller fureter sur leurs nouveautés. Là, de malicieux cookies me suggèrent activement de télécharger une prétendue extraordinaire, quoique gratuite, application de Yoga sur mon téléphone.
Tiens, tiens, me dis-je, allons voir de quoi il en retourne.
Durant le téléchargement une longue liste d’appli de Yoga pour smartphones, notées de 4 à 5 étoiles, défilent sur mon écran sans y être ,au préalable, invitées.
Je les ignore dans un premier temps et me concentre sur la proposition de OYSHO. Mais l’application refuse de fonctionner. Probablement d’autres fureteurs et intelligents cookies n’ont pas apprécié que je m’inscrive en français alors qu’ils me géolocalisent en Grèce. Car alors, comment faire fonctionner les algorithmes me poussant à consommer ? France ou Grèce ? Très intelligents ces cookies. Et me voilà privée du fabuleux potentiel de l’appli.
Mais ma curiosité désormais aiguisée, je me penche dans l’exploration des autres alléchantes appli de yoga pour smartphone. Et je commence à télécharger la première exhibant un fier 4,5 étoiles.
Dans un premier temps, à ma grande surprise, l’appli me demande quel est mon objectif de perte de poids. Grâce au yoga, bien entendu. J’essaie de ne pas m’agacer, je poursuis un peu plus loin. Après avoir répondu à de multiples questions sur mon mode de vie et mes aspirations, je clique pour connaître les miraculeuses postures adaptées. Avec, je l’avoue, au fond de moi, un sourire narquois dans l’attente des résultats suggérés. Alors, subitement, l’application me propose 3 différents forfaits payants. Je respire profondément afin de garder mon calme. Je ne souris plus du tout.( l’application de Yoga est , je le rappelle, proposée « gratuite »).
Finalement à force de clics quasi rageurs, je parviens tout de même à me connecter à un cours de Yoga.
J’essaie.
C’est effrayant. Vraiment.
Cela commence par un directif « 3-2-1 Partez » Une minute de posture, temps de repos 30 secondes…
Durant la minute de posture, un seul et unique mot d’explication.Pour de plus amples informations, il faut cliquer sur l’écran pour atteindre et lire le succinct descriptif. Rien de plus pratique, en effet, lorsqu’on est en posture de l’arbre ou dans celle du triangle.
Mais le bouquet final arrive avec les 3 dernières minutes ( si si) de Shavasana. Pas un mot, mais 7.
Une véritable avalanche de générosité ! « 3-2-1… Relaxez votre corps, votre mental, votre âme » .
J’en reste ébahie voire horrifiée.
Les larmes me monteraient aux yeux à l’idée que certains puissent opter pour la proposition payante de cette appli de yoga pour smartphone.
Mais l’Univers étant tout de même bien fait, un peu plus tard ,la plateforme de streaming Netflix ,à laquelle j’avoue succomber quelques soirs ,me réserve une belle surprise.
Au milieu d’une luxuriante offre de débilités vulgaires et généralement américaines ( du nord), je découvre un magnifique documentaire espagnol sur le Yoga.
Ce film me réconforte face à l’immense déferlante occidentale d’outrages qui s’abat actuellement sur la millénaire pratique du Yoga.
Face au cruel risque de naufrage de cette immense pratique, il reste, tout de même, quelques canaux de sauvetage. Très beau documentaire à regarder : SÂDHAKA la senda del yoga
Je continue de dessiner mes modèles. Qui sait, peut-être verront-ils le jour ?
